Photographier le blanc


Étymologie | Le mot blanc est issu du germanique blank (brillant, éclatant, sans tache) et semble avoir été diffusé par les cavaliers germains désignant ainsi la robe de leurs chevaux. Ce blank survit intact en anglais (au sens de vierge, sans inscriptions, vide) et a subjugué toutes les langues romanes sauf une, sous les formes blanc/blanche, blanco/blanca, branco/branca, bianco/bianca, jusqu’à y supplanter ses deux synonymes latin : albus (blanc mat) et candidus (blanc brillant). Seul le roumain a refusé de se teindre en blank, et conserve les formes latines albi/alba/alb.

Qu’il exprime la plus pâle des teintes ou la plus éclatante, le blanc pur expose les surfaces sensibles de la photographie à perdre toute capacité à discerner ce qui s’y passe, et ne restituer qu’une absence.

Voici quelques images dans lesquelles le blanc, au contraire, affirme sa présence et parfois sa puissance.


Architecture | Sony A7 III • Zeiss 55mm F1.8 • 1/80 sec f/11 • photo Frédéric Allinne • FA# | 2020

1*

L’Arbre Blanc est un immeuble d’habitation, d’exposition et d’hôtellerie s’élevant à Montpellier sur une berge du Lez. Dès son achèvement, il a accédé au statut de fierté régionale après avoir été élu plus beau bâtiment de logements collectifs de l’année 2019 par plus de 90 000 architectes du monde entier.
Architectes : Sou Foujimoto, Manal Rachdi OXO et Nicolas Laisné Associés. Maîtres d‘ouvrage : Proméo Patrimoine, Evolis Promotion, Opalia, Crédit Agricole Immobilier.

Nature | Sony A7 III • Sigma Art 135mm F1,8 • 1/1500 sec f/8 • 200ASA • photo Frédéric Allinne • FA# | 2021


2*

Le cheval de Camargue est le vivant écho en terre gallo-romaine des rustiques chevaux de guerre germaniques dont les cavaliers vantaient la robe blank.

Dans cette manade des Saintes-Marie-de-la-Mer, j’ai pu saisir une autre variante de blanc appelée blakkr en vieux nordique occidental : un ton pâle dont le blanc tire vers le jaune.

L’anglais black n’est donc pas issu de ce clair blakkr, mais du proto-germanique blakaz (brûlé).

Urbanisme Culture Tourisme | Zeiss 24mm F1,4 • 1/250 sec f/7,1 • photo Frédéric Allinne • FA# | 2021


3*

Arc de Triomphe Wrapped, tel fut le titre donné à cette installation parisienne posthume des artistes de land art Christo et Jeanne-Claude. L’œuvre a consisté à envelopper d’une épaisse toile ignifuge le monument de la place de l’Étoile, selon un procédé souvent décliné de leur vivant.

D’un gris bleuté, la tenture était passagèrement blanchie par le soleil de fin d’après-midi projetant sur elle sa couleur complémentaire – cette teinte orangée connue des cinéastes sous le nom de golden hour. Le manège des carrosseries luisantes, le plus souvent noires ou gris neutre, ajoutait alors au spectacle une touche d’élégance mouvante.

Un supplément de vie que seuls les militants dogmatiques de l’éradication des quatre-roues dans les villes contesteront avec mauvaise foi, en ennemis jurés de la voiture.

Voiture jadis hippomobile ou à bœufs, donc très polluante (crottin, bouse, urine, fracas des roues cerclées de métal), voire à bras. Puis voiture automobile, devenue toujours plus propre et silencieuse. Jusqu’à la blancheur immaculée des voitures électriques qui bientôt n’émettront pas même un ronronnement de moteur.

Au fil de ses évolutions techniques et esthétiques, la voiture est le véhicule des civilisations qui a donné à Paris l’essentiel de ses beautés depuis quinze siècles : les ponts dont le Pont-neuf et le pont Alexandre III, les quais carrossables dont celui des Grands-Augustins ou la voie Pompidou, les avenues, les boulevards, les rues dont celle de Rivoli, les places dont celle des Vosges et ici de l’Étoile, un des sommets de l’art urbain mondial.

Inversement, Paris ne doit rien aux vélos et patinettes. Hormis de récents fatras surgis en peu de mois au détour de l’année 2020, puis comme enkystés dans l’espace public à partir de 2021. Tel fut le moment choisi par l’Arc de Triomphe pour se voiler la face.

Portrait | Sony A7 III • Sigma Art 135mm F1.8 • 1/350 sec f/4,5 • 800ASA • photo Frédéric Allinne • FA# | 2021


4*

Bianca et ses chiens blancs saisis sur le vif au bord de la Méditerranée.

Pour restituer la beauté de Bianca dont le hâle tranchait sur les blancs du lin et du coton, un excellent objectif de 135mm a fait merveille. Pour saisir l’agitation de ses chiens au deux-millièmes de seconde, le mieux fut de s’en approcher avec une focale standard.


Portrait | Sony A7 III • Sigma Art 135mm F1.8 • 1/250 sec f/4,5 • 800ASA • photo Frédéric Allinne • FA# | 2021

Animaux | Sony A7 III • Zeiss 55mm F1,8 • 1/2000 sec f/6,7 • 320ASA • photos Frédéric Allinne • FA# | 2021

Scène de rue | objectif Samyang 24mm à décentrement • 1/250 sec f/5,6 • photo Frédéric Allinne • FA# | 2019


5*

École de l’allée Louis-de-Funès à Paris. Dans le très chic huitième arrondissement de Paris, cette école élémentaire fut la première œuvre parisienne de Philippe Ameller et Jacques Dubois*. Le blanc mat d’un matériau composite verre et ciment y alterne avec le verre miroitant où se reflète, par fragments, l’architecture classique environnante.

Le blanc mat du latin candidus qui nous a donné la candeur, tellement pertinente pour de jeunes écoliers, et le brillant du germanique blank qui nous a donné les blancs : cette façade d’établissement scolaire est à elle seule une page blanche, une leçon d’étymologie, un devoir de géométrie et un trompe l’œil pour le quartier.

*Architectes : Philippe Ameller et Jacques Dubois, en collaboration avec Marc Pelé, Marie Warburton et Marc Bouteleux pour le concours, les études et le chantier. Maître d’ouvrage : Ville de Paris.

Architecture | Sony A7 III • Zeiss 55mm F1,8 • 1/250 sec f/11 • photo Frédéric Allinne • FA# | 2019


6*


Nuages. Les nuages sont des blancs que la nature se réserve, pour y peindre ou dessiner ce que bon lui semble.

Astronomie | Sigma Art 135mm F1.8 • 1/320 sec f/5 • 125ASA • photo Frédéric Allinne • FA# | 2019

Nature | Sony A7 III • Sony 85mm F1.8 • 1/60 sec f/4,5 • photo Frédéric Allinne • FA# | 2020



Quand nous voyons des visages dans les dessins de la nature, les gens savants appellent cela une paréidolie. Dans le ciel d’Île-de-France il m’a semblé voir un jour une tête de poète barbu et souriant, tournée vers le soleil, les yeux clos.

Paréidolie | Sony A7 III • Zeiss 55mm F1,8 • 1/500 sec f/8 • 64ASA • photo Frédéric Allinne • FA# | 2019

Monumentale réussite paysagère, le viaduc de Millau pointe du fond de la vallée du Tarn vers le ciel sept superbes flèches que les nuages observent sans s’y frotter.

Paysage | Objectif Sony G Master 24mm F1.4 • 1/400 sec f/5 • 500ASA • photo Frédéric Allinne • FA# | 2021

Nautisme | Sony A7 III • Sigma 105mm F2.8 • 1/40 sec à f3,5 • 1000ASA • photo Frédéric Allinne • FA# | 2019


7*


Ceci n’est pas un port de Norvège mais d’Occitanie, par une après-midi d’automne laiteuse ne laissant que peu de couleurs, juste des lignes.
Les voiles brillent par leur absence, le soleil tire sa révérence. Moi aussi.

Frédéric Allinne

Autoportrait | Zeiss 35mm F1.4 • 1/10sec f/6,7 • 2 000ASA • flash Godox • photo Frédéric Allinne • FA# | 2021